lundi 19 février 2007

FICHE n° 4 : Qu’est-ce qu’une christologie peut et doit attendre (et ne pas attendre) de la science historique ?

Nous pouvons et nous devons, comme chrétiens, annoncer un kérygme dont le contenu reste intègre mais dépasse ce que peut dire au sujet de Jésus la science historique ; car celle-ci ne peut établir que le fait du kérygme est une partie du contenu de celui-ci.

Pourquoi une telle démarche ?

La christologie ascendante (qui part de la vie de Jésus pour arriver à le dire Christ, Fils unique de Dieu, Dieu, Logos, Seigneur et Sauveur) se tourne vers la science historique pour que celle-ci l’aide à connaître « Jésus tel qu’il est vu avant les évènements de la Pâque » car nous n’avons pas de recours « immédiat » au passé et c’est par un long chemin avec l’aide de la science historique que nous pourrons recréer le contexte de l’époque de Jésus.

Les sources et les limites

- les témoignages (pas de ses adversaires, quelques sources non-chrétiennes, et les Evangiles ainsi qu’un peu les Actes !)

- Les sources non-chrétiennes nous apprennent qu’il a vécu en Palestine, qu’il a été condamné à la mort par crucifixion sous la préfecture de Ponce-Pilate (26-36) pendant le règne de Tibère [Tacite], qu’il est à l’origine d’une communauté de croyants qui se sont réclamés de lui. [Entre 110 et 120 : Pline le Jeune et le culte, Suétone avec l’expulsion des chrétiens de Rome par Claude (Ac 18,2) et Flavius Josèphe en 94 avec des interpolations chrétiennes].

- Les Evangiles sont des témoignages de foi, c'est à dire des fixations écrites partielles de tradition orales, des témoignages postpascals qui cherchent à susciter la foi.

Finalement, c’est un ensemble de sources d’ampleur assez limité et qui appartiennent pour une bonne part aux témoignages de ses premiers disciples !

- la méthode de la double différence (qui donne une image de Jésus « moins juif » et « moins chrétien » que Jésus l’a été !) ne peut satisfaire à l’élaboration d’une « biographie ».

- Pourtant, certains ont tenté d’écrire une unique « Vie de Jésus » :

· Tatien et son Diatessaron

· Le courant de la « Lebenjesuforschung » (1835-1906) qui veut remonter à la figure « réelle » de Jésus par un rationalisme parfois radical.

§ Spinoza (1670 – L’Ecriture par l’Ecriture) et Reimarus (1768 – dessein ultérieur intéressé des apôtres devant l’échec de l’établissement du royaume messianique terrestre) en sont les précurseurs

§ Strauss en 1835 (Jésus se persuade qu’il est le Messie) qui aura une influence sur Nietzsche, puis Renan en 1863 (va nier tout « surnaturel particulier »), ensuite Weiss en 1892 (Jésus est un prophète qui annonce un royaume dans lequel il sera manifesté comme Messie !) et Adolf von Harnack en 1900 (Jésus est un maître de morale et de religion !) ont écrit leur « vie de Jésus ».

- Kähler en 1892 : la spécificité historiographique des Evangiles, les spéculations humaines ne permettent pas aux auteurs de la LJF de donner une vie de Jésus car le Christ réel (geschichtlich) est, non pas le Christ de science historique (historisch) mais le Christ du kérygme, le Christ prêché, le Christ du Nouveau Testament ; donc pour parler de lui, nous pouvons et devons partir de la prédication de sa communauté.

- Albert Schweitzer en 1906, montre que la LJF nous donne autant de figures de Jésus que de tentatives d’essai sur sa vie ! Cette diversité manifeste la subjectivité de ses reconstitutions !

- Käsemann résume ainsi : « Ce n’est qu’à travers la prédication chrétienne primitive et la dogmatique ecclésiastique qui lui est liée, que nous savons quelque chose du Jésus historique »

- Bultmann (+1976) déprécie le « Was » (« ce que ») par rapport au « Dass » (« que ») à cause de sa position exégétique « hyper-critique » et sa position « fidéiste » sur l’acte de foi.

CONCLUSION : L’apport de la science historique est :

- non une preuve de la vérité de l’ensemble du contenu de la foi chrétienne (ni même du cœur !) ou du bien-fondé de celle-ci

- mais un « motif de crédibilité » de la libre décision de foi, c'est-à-dire que j’accepte tel ou tel élément raisonnable de la foi chrétienne

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