Contexte
- Avec les difficultés de langage (ousis/hypostasis/prosopon), les déformations d’Eutychès (nature humaine absorbée comme une goutte d’eau dans la mer) à propos des Alexandrins, mal reçues par les Antiochiens pour lesquels la nature humaine du Christ, sa communauté de nature avec nous est nécessaire au salut des êtres humains car « seul ce qui est assumé par le Fils est sauvé », la condamnation à Constantinople / réhabilitation au concile d’Ephèse (« brigandage » Léon I) d’Eutychès (qui en profite pour condamner la formule « deux natures après l’union » contraire au « Tome à flavien » qui insiste et sur l’unité de la personne de Jésus et la communication des idiomes et sur les deux natures en Jésus et la répartition des voix), entraîne le successeur de Théodose Ier, Marcien (450-457) a convoqué un nouveau concile pour octobre 451 afin de mettre fin à tous ces conflits !
- Au cours de ce concile, les évêques vont approuver les symboles de Nicée et de Constantinople I (oecuménisation rétroactive !) la 2ème lettre de Cyrille à Nestorius et le Tome à Flavien, puis vont rédiger une formule de foi, une définition dogmatique, synthétique, très élaborée et très équilibrée (ce pour mettre fin à la confusion du langage) en précisant le sens des termes de nature/personne/hypostase (fixation d’un vocabulaire christologique) et en intégrant ce qui c’est dit de meilleur depuis Ephèse dans les différentes régions. Ils adoptent ainsi 27 canons et un texte qui donne une juridiction au siège de Constantinople…
- Cette définition n’est pas acceptée en Syrie, en Egypte et en Arménie : naissance des Eglises monophysites (c'est à dire qu’elles tiennent « une seule nature », divine, en Jésus après l’Incarnation. Ces divisions religieuses vont affaiblir un empire face à la Perse puis face à l’Islam (636 : prise d’Antioche !). C’est pour tenter de résoudre ces divisions qu’auront lieu les 5e et 6e conciles œcuméniques, Constantinople II (553) et Constantinople (680-681), au cours desquels seront développées et approfondies les implications de Chalcédoine…
Contenu de la définition de Chalcédoine
- confession de foi chrétienne relative à Jésus
- Ce texte synthétise d’une part l’insistance alexandrine sur l’unité de Jésus c'est à dire sur l’unicité de personne en lui (Ephèse) et d’autre part l’insistance antiochienne sur la nature humaine de Jésus exprimée :
o Par une affirmation de la réalité, de l’intégrité et de la distinction des deux natures après l’union
o Par l’expression de cette dualité par le terme « ousis » (Nature et non plus « personne »)
- cette synthèse se fait en affirmant la dualité et la distinction des natures de manière relative.
- Nouveauté de cette définition est d’exprimer l’humanité du Christ par des formulations parallèles à celles de sa divinité adoptées au 4e siècle. Il y a emploi dans les deux cas des termes :
o « consubstantiel » pour désigner une identité spécifique pour la substance humaine et une identité numérique pour la substance divine
o « nature » pour désigner l’ensemble de ce qui est inné dans l’expression « nature humine » et seulement ce qui fait que Dieu est Dieu (non closes !) dans l’expression « nature divine »
- finalement, l’expression « en deux natures » n’est pas équivalente à l’addition en Jésus de deux grandeurs mais comme exprimant le caractère composé de l’unité concrète de la personne de Jésus après l’union hypostatique (élément d’altérité fondé sur l’altérité de Dieu et de l’être humain).
La portée et les limites de la définition de Chalcédoine
- définition fixant l’essentiel du dogme christologique : point de passage incontournable car il y a un équilibre entre christologie descendante alexandrine dite du « Verbe incarné » et ascendante antiochienne dite de « l’homme assumé » et car elle est encore aujourd’hui « sotériologiquement sûre ».
- Cependant, cette définition a été souvent réinterrogée car elle a des limites :
o Elle est trop uniquement synchronique : statique, ne prend en considération qu’un des moments de la vie du Christ l’incarnation !
o Elle est difficile à penser comme coexistence de deux natures en une seule personne sans porter atteinte soit à :
§ L’unité de cette unique personne (cf. la dérive nestorienne)
§ L’intégrité de l’une ou de l’autre de ces deux natures complètes (divine ou humaine)
o Comment rendre compte dans le comportement de Jésus du déploiement et du jeu de ces deux natures, chacune pourvue de libre arbitre et de volonté, natures qui se conjuguent, s’équilibrent, s’opposent parfois ? (Constantinople III)
o Enfin, c’est aussi une aporie que de tenir un concept, une catégorie, un terme juste sur le Verbe incarné qui nous invite à reconnaître et à confesser la réalité du Christ comme mystère…